Des sols et des hommes

L’agriculture occidentale se divise en deux camps, celui des conventionnels, et celui des bios. À côté de ceux-ci, des chercheurs mettent à disposition des connaissances pratiques issues de la rencontre entre leur savoir et leur expérience de terrain.

Voici une copie d’un document mis à disposition sur Internet, avec l’aimable autorisation des auteurs, que je remercie ici.

Il s’agit d’un document écrit par le Professeur Claude Bourguignon et son épouse Lydia : 1 milliard d’hectares stérilisés en un siècle ? Il est grand temps de soigner les sols !
Ce document prend la forme d’une interview opérée par ABCD presse, il y a quelques années. Tout ce qui est développé dans ce document vient répondre directement à l’actualité.

Cet article apporte la majeure partie de ce que nous pouvons souhaiter connaître sur la santé des sols qui nous nourrissent, et sur ce qui doit absolument être fait pour réhabiliter les terres en voie de détérioration, tout ce qui doit être mis en oeuvre pour les prochaines décennies dans le cadre de l’exploitation des sols par l’agriculture et la viticulture. Seule modification que vous trouverez, par rapport au document d’origine est une mise en page faite en vue d’adapter l’article au style de notre blog.

Ce texte existe toujours, BourguignonLastIssue.pdf. Il était à l’origine sur le serveur du site www.abcdpresse.fr.

1 milliard d’hectares stérilisés en un siècle ? Il est grand temps de soigner les sols !

par Lydia & Pr. Claude Bourguignon Directeurs du Laboratoire d’analyses microbiologiques des sols (LAMS), en Bourgogne.

Présentation, par Catherine Célimène et Guy Deffeyes

Catherine Célimène et Guy Deffeyes sont auteurs de l’ouvrage 1995-2005, Le Nouveau Pari Monnaie Terre .
Lydia est ingénieur agricole, Claude est microbiologiste. Depuis les années 70, ils défendent cette science qu’est la microbiologie des sols, envers et souvent contre tous… Rencontre avec ces « Médecins de la Terre » à l’esprit prospectif auxquels les grands vins de France font confiance aujourd’hui. Les savoirs et savoirs-faire de Claude sont reconnus dans toute l’AmérIque Latine. Claude Bourguignon est issue d’une famille de grands médecins de Bourgogne, sa soeur n’est autre qu’Anémone…

Tous deux ingénieurs agronomes, ils se sont rencontrés à l’INRA dans les années soixante-dix. Lydia éveille Claude à une autre sensibilité. Ils se décident à faire des recherches en microbiologie des sols. Tu es fou, ce n’est pas un plan de carrière! dit-on à Claude alors. Ils s’accrochent. Mis à l’écart au sein de l’INRA, ils quittent cet institut et fondent leur propre laboratoire de recherche, le LAMS (Laboratoire d’analyses microbiologiques des sols). Des années dures, très dures suivent… Ils voyagent beaucoup en Amérique Latine, essaimant, apprenant.

Aujourd’hui, le professeur Claude Bourguignon est demandé partout en France. Son agenda déborde. Des grands vins lui font confiance (Taittinger, Vosne Rosmanée entre autres). Des articles sont écrits sur lui dans Cultivar, la revue agricole high tech française, c’est dire si son savoir-faire a fait le tour de nos campagnes ! Jusqu’à la Banque Mondiale, qu’il conseille depuis quelques années. Professeur es-Humus, aux allures d’Indiana Jones, il fut l’élève du Professeur Jean Keilling (l’ingénieur agronome qui innocenta Marie Bénard, et qui distillait aux quatre coins de la planète dans les années 50 ses « Conférences économiques de l’Humus »…)

Lydia et Claude Bourguignon sont aujourd’hui rejoints par un de leur fils qui les aide à diriger le laboratoire. L’Humus est et reste la clef de la santé des peuples. La microbiologie, science des sols tant méprisée par les tout high tech, reprend son droit de cité. Il y urgence, une urgence qui se mesure au nombre d’hectares perdus chaque année, 225 000 hectares par an. Elle se mesure encore plus à l’aune de ce chiffre qui laisse à méditer : un millard d’hectares de terres fertiles ont été stérilisés en un siècle par l’agro-chimie, soit 25 % des terres cultivables planétaires.

Aux Etats-Unis, ce chiffre monte à 28 %. Le professeur Bourguignon déclare : Les sols lâchent. Ils sont en train de lâcher. PARTOUT. Il faut s’en occuper ! Où nous risquons de voir resurgir les famines à une échelle jamais vue auparavant dans l’histoire de l’humanité. Né d’une famille de grands médecins Bourguignons, Claude est aussi le frère d’Anémone… Lydia et Claude Bourguignon emploient une expression qui parle aujourd’hui encore plus qu’hier, face aux drames et pandémies d’origine agricole : Nous sommes en quelque sorte des Médecins de la Terre. C’est Vrai. Et la Terre en a bien besoin.
Catherine Célimène & Guy Deffeyes.

La Terre est la seule planète qui…

par Lydia & Pr. Claude Bourguignon
Claude Bourguignon : La Terre, est la seule planète à posséder un sol. Le sol est une matière vivante, plus complexe encore que l’eau ou l’atmosphère, milieux relativement simples. Le sol ne représente pas un volume important sur notre planète, mais il est extraordinaire. Il ne mesure que 30 centimètres d’épaisseur en moyenne, mais il héberge 80 % de la biomasse vivante du globe. Il pèse 50 000 fois plus lourd que tout ce qui vit à la surface de la terre. C’est le seul milieu qui provienne de la fusion du monde minéral des roches-mères et du monde organique issu de la vie à la surface de la terre. Il n’y a que la planète Terre qui possède ce milieu, qui abrite plus d’êtres vivants que sur tout le reste de sa surface ! Cela ne se voit pas.

À l’échelle planétaire, il existe 2 500 espèces de vers de terre et ils pèsent aussi lourd que tous les autres animaux du monde. Les Anciens ont eu raison d’appeler notre planète « Terre ». Il n’y a qu’une seule planète ayant un sol, c’est la nôtre. C’est un milieu tout à fait exceptionnel, le plus riche de notre planète. On compte dans un sol vivant environ un milliard de microbes par gramme…

Ce monde microbien, on l’a négligé alors qu’il ne coûte rien ! Un énorme tabou pèse sur le microbe : il est vu dans notre société comme la source principale de mort avec la vision pasteurienne. Or, les bactéries des sols fixent (gratuitement) l’azote de l’air pour faire des nitrates, elles ! Le sol, nous l’avons vu, est formé de matières organiques et d’argiles. Autrefois, les hommes l’entretenaient en lui apportant la matière organique, — le fameux fumier des Anciens. On l’entretenait aussi en lui apportant des argiles qu’on appelle «marnes ».

Depuis plusieurs dizaines d’années, on se contente de nourrir les plantes avec des engrais et de les badigeonner de pesticides rémanents, on ne s’occupe plus du sol. Et à force de subir des agressions chimiques et mécaniques de plus en plus puissantes, les terres s’épuisent. Conséquence ? La baisse des rendements. Ils ont en effet augmenté de 3% de 1950 à 1984, de moins de 1% de 1984 à 1994, et la plupart des chiffres sont en baisse depuis 1995 pour les rendements de céréales notamment…

Cela vaut pour les États-Unis qui ont selon la FAO 28% de leur superficie cultivable réduit à la stérilisation. On se préoccupe beaucoup de l’atmosphère et de l’eau, personne ne parle du sol !!! Il faut absolument s’occuper des sols dans les années qui vont venir. Ils sont en train de lâcher partout ! Il faut développer une véritable politique nationale de protection des sols. par l’humus reconstitué. Ce qui, pour le moment, n’est absolument pas le cas.

La culture intensive mène à la famine. On aborde aujourd’hui l’agriculture sous l’angle financier. On se préoccupe du nombre d’hectares et de têtes de bétail possédés permettant d’obtenir des subventions et des facilités à l’export. Le quantitatif prime sur le qualitatif, avec un certain nombre d’effets différés redoutables et officiellement reconnus, en France comme ailleurs. Or nous avons environ 90 millions d’habitants en plus sur la planète tous les ans.

Si nous ne sommes pas capables d’augmenter nos rendements, d’augmenter disons la production mondiale de céréales avec une population qui augmente d’à peu près 100 millions d’habitants tous les ans, nous allons tout droit à la famine. Et ce, bien qu’on nous ait annoncé, dans les années 70, le règlement de tous les problèmes alimentaires de l’Humanité ! Ce constat scientifique est inquiétant. Il montre que le spectre des grandes famines n’est pas totalement écarté en Europe, comme ailleurs.

Si l’on reprend l’histoire de l’Humanité, nous voyons qu’elle est passée par des phases de grandes famines. Elle a tout d’abord vécu, pendant plusieurs millions d’années, de chasse-cueillette. Les hommes ne cultivaient pas la Terre et ne connaissaient pas la famine, travaillant extrêmement peu, environ 2 heures par jour pour les plus riches et 4 heures par jour pour les plus pauvres. Ce sont des vies confortables. La Terre est effectivement assez généreuse pour les nourrir à condition qu’ils soient de faible densité. Mais lorsque l’homme a démarré les premières civilisations agricoles il y a environ 8 000 ans, il a commencé à découvrir ce qu’était la famine.

Passer de l’état sauvage à la domestication est quelque chose de très difficile. car lorsque l’Homme laboure la Terre, il provoque des phénomènes qu’il a du mal à contrôler. Par exemple les phénomènes de l’érosion qui ont très vite entraîné des famines dans le Bassin méditerranéen, les hommes ayant ruiné la Terre.

Du blé à la vigne, de l’abondance au désert…

On connaît bien l’enchaînement des cultures faites par les Romains au fur et à mesure que les sols s’épuisaient. On commence par le blé, puis on passe aux céréales, moins exigeantes, notamment le seigle, puis le sol ne supporte plus les céréales et on passe à la culture des arbres fruitiers comme les amandiers, les oliviers, enfin la vigne. Quand une Terre est cultivée en vigne, c’est que vraiment le sol ne peut plus rien porter…

Au XIXème siècle, au moment même où l’Homme trouve un équilibre avec le milieu qui l’entoure, parvenant enfin à se nourrir de cette Terre qu’il cultive lui-même, survient la chimie qui va remplacer la polyculture et l’élevage de Sully, facteurs d’équilibre. Depuis, elle n’a cessé de tuer les sols. Aujourd’hui nous perdons en moyenne 10 tonnes de sol par hectare et par an. Vous faites le calcul : dans moins de trois siècles, c’est le Sahara partout. Il faut réagir maintenant.

Nul besoin d’être prophète… Tout ce que les écologistes sérieux ont avancé depuis trente ans se vérifie aujourd’hui. Nous jouons à l’heure actuelle l’avenir de notre civilisation. Nous sommes en train de vivre l’Austerlitz de 1’Occident. Que va-t-il se passer si on laisse faire ? L’Occident s’écroulera par manque d’autocritique, faute d’une profonde remise en cause face à ses errements. Si tel est le cas, s’il n’y a pas le sursaut nécessaire, l’Occident mourra comme toutes les civilisations : par destruction des sols. Comme l’Empire Babylonien, l’Empire Romain, comme les Mayas.

Pour s’en prémunir, il faut simplement penser à Emmanuel Kant pour qui une chose est morale quand elle est généralisable à l’ensemble des êtres humains. Faites les Kant de l’agriculture actuelle. Or, prenons ce qui se passe à l’heure actuelle : les Américains consomment 800 Kg de céréales par personne et par an. Si nous regardons la production actuelle de céréales dans le monde et que nous multiplions ces 800 Kg par 5 milliards et plus d’habitants, nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas nourrir 5 milliards d’habitants ; nous pouvons en nourrir un milliard, ce qui signifie donc qu’il faut laisser mourir de faim sur le modèle américain 4 milliards 600 millions d’habitants, ce qui n’est pas envisageable. Alors si nous prenons un pays qui est plus raisonnable dans son alimentation comme l’Italie – qui consomme 400 Kg de céréales par habitant – nous pouvons nourrir environ près de 3 milliards d’habitants.

Mais si nous regardons ce que nous produisons à l’heure actuelle dans le monde et que nous voulons le diviser par les 6 milliards d’habitants existants, vous vous rendez compte que nous allons vers le système Indien, c’est-à-dire environ 200 Kg de céréales par habitant et par an. Et nous savons comment mangent les Indiens : très peu de viande, à peu près une fois par mois, essentiellement du riz donc une nourriture très frugale. Sommes-nous, nous Européens, prêts à accepter cette nourriture frugale ? C’est la question que l’on peut se poser, et là, nous serons dans une situation morale, d’autant que sur le seul plan économique notre agriculture industrielle n’est pas généralisable. Une Preuve ? S’il fallait simplement pour l’azote industriel apporter à l’ensemble des terres cultivées la quantité d’azote que mange la France, la totalité de la flotte mondiale ne suffirait pas à transporter l’azote en question ! C’est impossible…

Donc il faut changer d’agriculture. Car on se garde bien de dire aux français qu’avec notre système alimentaire il faut un hectare de terre cultivée pour manger dans les pays riches. Alors si nous consommons un hectare, c’est qu’il y a des êtres humains qui ne mangent pas. C’est une simple mathématique, mais elle est malheureusement réelle. Pourquoi ? Parce qu’il reste 3 hectares par habitant à l’heure actuelle sur la planète Terre, toutes terres confondues, Sahara, Pôles. Tout. Sur ces trois hectares, on prélève de quoi s’habiller faire notre maison, notre voiture, etc. Et sur ces terres il reste 2600m2 cultivés, pour manger. Et il en disparaît à l’heure actuelle l’équivalent de la surface de la France tous les ans par érosion. On parle de fatigue des sols, osons apporter les remèdes car ils existent.

L’agriculture vivante

C’est celle qui amende ses sols. Amender signifie restituer. C’est l’équivalent pour l’agriculteur de l’entretien du matériel productif par l’industriel ; le sol est ce qui produit, donc il faut l’entretenir. Pour fertiliser on transforme les déchets organiques en compost, on fait pousser des engrais verts et on établit des rotations de cultures pour les microbes des racines, on remplace les éléments utilisés. On ne donne pas trente ans à cette civilisation en analysant les sols. Mais le problème n’est pas technique. Le problème est bien plus subtil que cela. La Terre est quelque chose de très subtil. Nourrir les hommes, ce n’est pas simple. Il faut du respect et de l’humilité : ce dont manque précisément notre société malade.

Il faut :
a) Replanter des haies en maillage de 20 hectares.
b) Reboiser les zones sensibles.
c) Gérer la matière organique des villes à part des gadoues industrielles afin de pouvoir remonter le taux de matière organique des sols.

La seule chose qui puisse sauver l’humanité des grandes catastrophes c’est l’agriculture biologique et la biodynamie authentique. Car son approche est locale tout autant que globale. Un nouvel art de la science, un nouvel art de vivre ensemble à la campagne comme à la ville, Le Bon Sens ! L’Amour, oui j’ose le dire, l’Amour ! Ces quinze dernières années, plusieurs chaires de biodynamie ont été créées dans un certain nombre d’universités, américaines et allemandes, danoises, notamment. Le dossier de l’agriculture biologique débouche sur la vision de la naissance de véritables universités écologiques rurales et urbaines. En France, nous n’en sommes pas là, et je le déplore… La grande fracture dissimulée là par toute notre histoire culturelle est le rapport à la Terre, à la Femme. La Terre a besoin de respect. La Terre manque de laboureurs de qualité pour être courtisée et cultivée avec le soin qu’elle demande. Mais, hélas, les hommes ne veulent plus la travailler et l’amender car être paysan est devenu dégradant sur le plan de l’image sociale.

La destruction des sols agricoles est pourtant le problème majeur auquel l’humanité est confrontée en ce début de siècle. La qualité de l’eau ET de l’air ne peut pas être dissociée de la qualité des sols. L’urgence des urgences c’est d’arrêter l’érosion des sols cultivés.

Parle à la Terre et Elle t’Enseignera

(proverbe Celte favori de Lydia Bourguignon)
Lydia Bourguignon : Les agriculteurs devraient prendre exemple sur les vignerons qui étaient il y a un siècle de simples viticulteurs, produisant des grappes de raisins qu’ils emmenaient aux coopératives sans penser aux produit fini, le vin. Or, il y avait beaucoup de problèmes à l’époque avec le vin, les consommateurs étant déjà à l’époque de plus en plus exigeants sur sa qualité et sur son goût. Les viticulteurs ont fini par se poser des questions et c’est suite à cette réflexion qu’ils sont devenus des vignerons à part entière, qu’ils sont allés du raisin jusqu’au vin.

À l’heure actuelle, les agriculteurs tels que les céréaliers comme autre exemple, ne font que du blé la plupart du temps inpanifiable (car de piètre qualité) qu’ils déposent en coopératives sans s’occuper du reste. Pourquoi l’agriculteur ne reprendrait-il pas en mains le début et la fin de sa chaîne lui aussi ? La solution face à ses problèmes et ceux de la société se trouve là. C’est aussi une façon de répondre aux exigences de qualité d’un nombre grandissant de consommateurs désireux d’obtenir des produits finis (à haute valeur ajoutée) aux goûts du terroir, et de se soulager du stress de la concurrence des produits uniformisés.

ABCD Presse : Votre laboratoire d’analyse microbiologique des sols est unique en France. Lorsque vous rendez un diagnostic à l’agriculteur et que ce diagnostic est difficile pour lui, comment cela se déroule-t-il ?

Lydia Bourguignon : J’aime beaucoup le mot diagnostic parce qu’en fait c’est vrai que l’on peut nous comparer à des médecins de la Terre. Et il n’est pas toujours facile pour l’agriculteur d’entendre que son sol est en mauvais état, que sa terre est quasiment…morte.

Et on a, comme je pense chez un malade, deux types de réactions. Celui qui va se laisser complètement abattre et qui ne fera rien, il refermera le dossier et ne s’en occupera pas. Et puis il en est d’autres qui prennent les choses en mains, suivent les conseils qui s’échelonnent sur un, deux ou trois ans.

Parce qu’il est hors de question face à un sol mort de le remettre sur pied en une année, ce n’est pas possible sous nos latitudes. En fait, c’est un travail de longue haleine pour l’agriculteur. Mais s’il sait faire preuve d’un peu de patience, la vie revient. De plus les conseils que nous lui donnons ne sont pas très onéreux. Nous procédons à des amendements de compost ou d’argile qui ne sont pas des produits coûteux. L’agriculteur s’y retrouve, l’agriculture aussi… Les agriculteurs que nous suivons depuis des années ont des sols de plus en plus vivants, les activités biologiques ont remonté, les capacités d’échanges entre le sol et la plante ont augmenté – et l’agriculteur, en fait, est satisfait. Donc l’espoir est bien là.

Je crois aussi qu’à l’heure actuelle ce sont les femmes… Les femmes reviennent. Nous nous en rendons compte au niveau du laboratoire et de la demande croissante des agriculteurs… Quand nous sommes ensemble avec l’agriculteur et l’agricultrice, c’est souvent plus la femme qui va demander de procéder à une analyse, de modifier la façon de gérer son sol. Et je pense que les femmes agricultrices sont beaucoup plus sensibilisées sur la question de l’avenir de leurs enfants. Elles reviennent au respect de la Terre.

L’Environnement planétaire

par Lydia & Pr. Claude Bourguignon.

L’érosion des sols est un problème préoccupant. En 6000 ans d’agriculture, l’homme a provoqué 2 milliards d’hectares de désert, dont 1 milliard au XXième siècle. Actuellement, l’intensité de l’érosion augmente d’1 tonne à l’hectare par an.

 

Quelques chiffres sur l'érosion des sols
Quelques chiffres sur l’érosion des sols

Le résultat est la production de 10 millions d’hectares de désert par an. Nous déforestons 17 millions d’hectares de forêts, essentiellement en zone tropicale et équatoriale. La balance est de plus 7 millions d’hectares par an mis en culture. La population augmente de 90 millions chaque année. Soit 700 m2 de terre cultivée par nouvel habitant. C’est la surface de la famine selon la définition de la FAO. Acutellement, nous cultivons 1 750 milliards d’hectares pour 6 milliards d’habitants, soit moins de 3 000 m2 par habitant. Or, les pays développés consomment pour la france, 6 000 m2 par habitant, pour les U.S.A., 8 000 m2 par habitant. De ce fait, plus d’1 milliard d’habitants sont sous alimentés. Ce scandale ne durera pas éternellement. Il faut apprencre à cultiver la terre sans l’éroder. Cela n’a jamais été fait. C’est le grand challenge du 3ème millénaire.

Vers une nouvelle révolution verte

par Claude & Lydia Bourguignon

Introduction
La première révolution verte avec les variétés améliorées, les pesticides de synthèse et les engrais a entrainé une grace dégradation des sols à travers le monde (Annexe 1). Vu le développement rapide de la population mondiale, il est urgent de développer une nouvelle révolution verte. Celle-ci doit être globale et porter sur les quatre piliers de l’agronomie : le travail du sol, la génétique, les pesticides, les engrais.
Cette révolution verte demande deux changements profonds des agricuteurs et des agents de l’agriculture :

  • changement des pratiques agricole
  • changement des mentalités

Un changement agricole global
L’agriculture doit changer les quatre piliers de l’agronomie
I. La génétique
II. Les pesticides
III. Le travail du sol
IV. Les engrais

I. La génétique
L’industrie innove beaucoup (informatique, robots, etc…)
L’agriculture est conservatrice et continue de cultiver les mêmes plantes et à élever les mêmes animaux que nos ancêtres. Il va falloir introduire de nouvelles plantes et de nouveaux animaux en agriculture pour gérer la biodiversité. Il existe 1 million d’espèces animales seulement 100 sont domestiquées. Il existe 250 000 espèces végétales, seules 250 sont cultivées.
Le choix du tout génétique reste traditionnel et archaïque.

Il faut améliorer génétiquement de nouvelles espèces de plantes pour :

  • Valoriser les sols pauvres.
  • Protéger des sols contre l’érosion (cultures intercalaires, couvertures, etc…).
  • Apporter de nouvelles solutions de remplacement à l’irrigation.
  • Recycler les engrais pour lutter contre la pollution des nappes phréatiques.
  • Il faut sélectionner et améliorer de nouvelles espèces de plantes de couvertures adaptées aux différentes agroécozones.

Il faut améliorer génétiquement de nouvelles espèces animales pour :

  • Valoriser les zones désertiques à l’aide des espèces d’antilopes qui ne boivent pas.
  • Valoriser les zones tropicales humides d’Afrique à l’aide du buffle africain et des antilopes africaines résistantes aux maladies, etc…

II. Les pesticides
Après les abus de ces produits, il faut utiliser les trois méthodes d’avenir :

  • Lutte raisonnée
  • Bas volumes
  • Réduction des doses

Il ne s’agit pas d’exterminer 100 % des parasites mais de limiter leur population à un niveau économiquement viable. Les herbicides peuvent être utilisés non as comme défoliants totaux, mais comme molécules permettant de gérer des plantes de couvertures permanentes. Ils deviennent alors un allié des techniques de semis directs. En rééquilibrant les sols, on peut alors baisser les doses de fongicides et d’insecticides. Il est nécessaire de développer les biopesticides produits directement par les agriculteurs.

Exemple :

  • Insecticides : neem, pyrèthre
  • Herbicides : plantes de couverture à fort pouvoir allélopathique
  • Nématodes : crucifères, seigle, etc…)

III. Les engrais
Jusqu’alors l’industrie agricole a vendu des engrais solubles mal adaptés aux conditions climatiques des tropiques. Il faut que les entreprises développent des engrais peu solubles et non toxiques pour les plantes afin de pouvoir les mettre en même temps que le semis au contact de la graine. Il est nécessaire de développer les biopesticides produits directement par les agriculteurs. Avec la technique du semis direct sous couvert, on remonte la teneur en humus du sol et donc, la capacité d’échange en action. Il devient alors possible d’énonomiser les engrais positifs (cations)
K+, Ca, Mg, Na+ (annexe 2).

Avec le semis direct, on remonte l’activité microbienne des sols. Or, les microbes produisent les engrais négatifs (anions) : N03, SO4, PO4 (annexe 3). On peut alors économiser la quantité d’engrais et descendre par exemple à 1 kg d’azote pour produire 100 kg de céréales.

L’utilisation des plantes pompes permet de remonter les engrais lessivés en profondeur :

  • l’éleusine coracana (pour le magnésium)
  • le sorgho (pour le calcium, la potasse).

IV. Le travail du sol semis direct
Dès le début de l’agriculture, l’homme a travaillé la terre pour lutter contre les mauvaises herbes car il n’avait ni engais, ni herbicides. L’agriculture ne s’est jamais posé la question : Pourquoi les mauvaises herbes ?
Parce que le sol nu est soumis à l’érosion et l’évolution a mis au point un système de couverture permanente du sol. Maintenant, nous avons des engrais pour nourrir nos plantes et des herbicides pour calmer les adventices, nous pouvons développer une agriculture sous couvert. L’agriculteur de demain ne sera plus celui qui est premier au concours de labour, mais celui qui sera capable de semer ses cultures dans un couvert temporaire ou permanent.

Pour arrêter l’érosion, il faut s’inspirer des modèles de végétations sauvages (climax) car ceux-ci sont pérennes.
A. Pour développer cette technique du semis direct sous couvert, il faut respecter trois règles :

1° La recherche-action doit être faite pour, avec et chez les agriculteurs (L. Seguy, 1997)
2° Les parcelles doivent montrer des résultats de court terme :

  • Facilité de réalisation du semis direct ;
  • Economie du temps de travail et des intrants.

3° et de long terme : (L. Seguy, 1997)

  • Pérennité du système (essais longue durée) ;
  • Remontée et entretien de la fertilité du sol ;
  • Amélioration de la qualité des productions.

4° Ces parcelles de démonstration doivent montrer le semis direct sous couvert mort et sous couvert vivant ainsi que leurs interactions.

B. Pour mettre en place cette technique du semis direct, il faut suivre le protocole suivant :
1° Diagnostic du sol

  • Si le sol est compacté (dégradation physique), il faut intervenir mécaniquement : Ripper sur 15-25 cm ou technique Zaï et installer très vite la plante de couverture.
  • Si le sol est lessivé chimiquement, il faut apporter de l’engrais soit organique (compost), soit minéral (cendres, engrais chimiques) sur la plante de couverture.
  • Si le sol est dégradé biologiquement, il faut choisir une légumineuse de couverture pour relancer l’activité biologique de surface et une graminée de couverture pour relancer l’activité biologique de profondeur.

2° Mettre en place une technique de semis direct adaptée :

  • au climat local,
  • aux culture annuelles ou pérennes,
  • à la présence ou à l’absence de l’élevage.

C. Place de l’arbre dans le semis direct sous couvert
L’arbre est indispensable dans les systèmes agricoles de maintien de la fertilité des sols. L’arbre a cinq rôles fondamentaux :
1° L’équipe de Lenton et Hamilton (Institut de Zoologie d’Oxford) a montré que tous les arbres, sauf l’eucalyptus et les résineux, font tomber la pluie par l’émission de microbes synthétisant du diméthyl sulfide qui génère la coalescence des gouttes d’eau des nuages.

2° Les arbres protègent les sols contre l’érosion hydrique et éolienne. Pour cela, il faut placer des haies :

  • le long des rivières pour conserver leur limpidité,
  • le long des routes pour boire l’eau non absorbée par le goudron ou la piste,
  • dans les points de convergences des pentes (Thalweg).

3° Les haies d’arbres ont 2 rôles :

  • la haie défensive pour protéger la parcelle du bétail
  • la haie utilitaire : bois de chauffe, arbres fruitiers, bois de construction, fourrage pour les animaux.

4° L’arbre du Sahel
Deux espèces comme Acacia Albida sont en feuillage en saison sèche et fournissent du fourrage aux animaux et de l’ombrage au sol. En saison humide, elles perdent leurs feuilles et permettent de cultiver les plantes vivrières à leur pied.

CONCLUSION
Cette révolution verte, par le choc de mentalité qu’elle représente, demande un effort général de la société humaine, pour se développer. Tous les échelons de la société doivent s’imliquer dans cette nouvelle révolution verte, politiques, chercheurs, enseignants, vulgarisateurs et paysans.
C’est à ce prix que nous relèverons le défi du nouveau millénaire : la réconciliation de l’homme avec sa planète la Terre.

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